duvivier

 
 

'Vu à vol d’oiseau, le quartier d’Alger qu’on appelle la Casbah, profond comme une forêt, et grouillant comme une fourmilière, est un vaste escalier dont chaque terrasse est une marche qui descend vers la mer. Entre ces marches, des ruelles tortueuses et sombres, des ruelles en forme de guet-apens, des ruelles qui se croisent, se chevauchent, s’enlacent, se désenlacent dans un fouillis de labyrinthes. Les unes étroites, les autres voûtées comme des caves. De tous côtés, dans tous les sens, des escaliers, des montées abruptes comme des échelles, des descentes vers des gouffres sombres et puants, des porches suintants, obscurs, bondés à toute heure, des rues désertes qu’habite le silence, des rues aux noms étranges (« Rue de l’impuissance », « Rue de la ville de Soum Soum », « Rue de l’hôtel du miel », « Rue de l’homme à la perle »). Ils sont quarante mille, là où ils ne devraient être que dix mille. Quarante mille venus de partout, ceux d’avant la conquête, ceux du passé barbaresque, et leurs descendants honnêtes, traditionalistes, et pour nous, mystérieux. Des Kabyles, des Chinois, des Gitanes, des Heimatlos, des Slaves, des Maltais, des Nègres, des Siciliens, des Espagnols, et des filles... filles de tous les pays, de tous les formats... des grandes, des grosses, des petites, des sans-âge, des sans-formes, abîmes de graisse où nul n’ose se risquer... Des maisons qui comportent des cours intérieures, isolées comme des cellules sans plafonds et sonores comme des puits, communicant presque toutes entre elles par des terrasses qui les dominent, descendant ainsi jusqu’à la mer, colorée, vivante, multiple. Il n’y a pas une Casbah, il y en a cent.'
pépé le moko | cities

 

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